Parlons aujourd’hui de ce que l’on appelle les polysèmes et les homonymes. Ces groupes de mots représentent encore aujourd’hui l’un des plus grands défis de la profession de traducteur, et en particulier pour les petits derniers-nés de notre famille, les systèmes de traduction basés sur l’intelligence artificielle. Ces petits pièges linguistiques mettent à rude épreuve les traducteurs humains, mais également les systèmes de traduction automatique, y compris les plus avancés.
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Ce sont des mots qui se prononcent et/ou s’écrivent de la même manière, mais dont les significations diffèrent selon le contexte. Il faut donc interpréter leur sens à l’aide des autres mots qui les entourent – une chose que notre cerveau apprend déjà pendant l’apprentissage de la langue, de sorte que cela se fait en grande partie automatiquement et que nous n’avons plus besoin de réfléchir longuement pour savoir si, dans le contexte donné, il faut entendre « la mère » ou « l’écrou » quand nous voyons le mot « Mutter ». Cette tâche, qui semble évidente et facile pour un locuteur natif, peut devenir un véritable casse-tête pour une machine ou pour quiconque apprend une nouvelle langue.
Qu’est-ce qu’un polysème?
Un polysème est un mot ayant plusieurs significations. Par exemple, en français, le mot « livre » peut désigner un objet que l’on lit, mais aussi une unité de poids (livre sterling). Ce type de mot repose sur un lien sémantique entre ses différentes acceptions.
Et un homonyme alors?

Les homonymes, quant à eux, sont des mots qui partagent la même orthographe ou la même prononciation, mais qui n’ont aucun lien sémantique entre eux. Prenons l’exemple allemand de « die Bank », qui peut signifier une institution financière (la banque) ou un meuble pour s’asseoir (le banc). Le contexte est essentiel pour lever toute ambiguïté.
Un défi pour la traduction automatique
Pour les traducteurs humains, ces distinctions sont souvent intuitives. Comme je l’ai expliqué plus haut, notre cerveau, grâce à des années d’expérience linguistique, décode automatiquement le contexte. Mais pour les outils de traduction automatique, c’est une toute autre histoire. Les premiers outils, comme Babbel ou Google Translate dans leurs versions initiales, se sont fréquemment fourvoyés sur des mots à double sens.
Quelques exemples en allemand
La langue allemande regorge d’homonymes et de polysèmes. En voici quelques exemples:
- «die Bank» (la banque) et «die Bank» (le banc)
- «die Mutter» (la mère) et «die Mutter» (l’écrou)
- «der Kiefer» (la mâchoire) et «die Kiefer» (le pin)
- « die Leiter » (l’échelle), der Leiter (conducteur, comme dans « semi-conducteur ») et « der Leiter » (le chef)
- «die Lehre» (apprentissage professionnelle), «die Lehre» (dogme, enseignement) et «die Lehre» (appareil pour mesurer, p.ex pied à coulisse)
- «die Steuer» (impôt) et «das Steuer» (volant)
- «der Ball» (la balle) et «der Ball» (le bal)
- «das Gericht» (le tribunal) et «das Gericht» (un plat, un repas)
- «der Strauss» (l’autruche) et «der Strauss» (bouquet)
Certains d’entre eux peuvent être distingués par leur pluriel, mais d’autres non. Chacun de ces termes peut prêter à confusion si l’on ne dispose pas des indices contextuels nécessaires. Les erreurs qui en résultent peuvent varier entre l’incompréhension totale et le fou rire garanti.
La pratique de la « post-édition »
Face à ces défis, les traducteurs professionnels privilégient souvent une méthode mixte : ils utilisent des outils de traduction automatique pour un premier jet, puis ils relisent et corrigent manuellement les erreurs (post-édition). Cette pratique est essentielle, car une traduction erronée peut nuire à la crédibilité d’un texte ou d’une marque.
Imaginez une entreprise allemande qui souhaite présenter son nouveau produit en France et qui, à cause d’une mauvaise traduction automatique, parle d’« écrous » au lieu de « mères » dans un contexte familial. Le message risque de ne pas être pris au sérieux!
Une expérience personnelle
Il n’est pas nécessaire d’être traducteur pour se heurter aux difficultés posées par les polysèmes et les homonymes. Chacun d’entre nous, en apprenant une langue étrangère, a sans doute déjà commis des erreurs similaires.
Pour ma part, ma bête noire reste la distinction entre « orteil » et « orties » en français. Ces deux mots ne s’écrivent pas de la même manière et ne se prononcent pas tout à fait pareil non plus, mais je dois toujours réfléchir un instant avant de les utiliser correctement. Pourtant, cela fait près de quarante ans que j’apprends et pratique cette langue!
Et c’est bien là toute la beauté de l’apprentissage des langues : chaque erreur que l’on fait, chaque correction que l’on reçoit, est une occasion d’apprendre et de progresser.
Rire de ses erreurs: une clé pour apprendre
Lorsque vous apprenez l’allemand ou toute autre langue, n’ayez pas peur de faire des erreurs, même si elles prêtent à rire. Les germanophones apprécient généralement les efforts des non-natifs et sont souvent indulgents face à ces confusions.
ça m’est déjà arrivé, en parlant français, de confondre la balle avec le bal (les deux sont « der Ball » en allemand). En général, la personne à qui je parle se met à rire. En même temps cela me permet de mieux comprendre la nuance et de ne plus refaire la même erreur.
Polysèmes et homonymes: un terrain fertile pour l’humour

Les polysèmes et les homonymes ne sont pas seulement des obstacles pour les traducteurs ; ils sont aussi une source inépuisable d’humour. Les blagues, les jeux de mots et les calembours jouent souvent sur ces ambiguïtés.
En allemand, une blague classique pourrait jouer sur le double sens de « der Strauss ». Imaginez une situation où quelqu’un offre un « Strauss » en cadeau : est-ce un bouquet de fleurs ou… une autruche?
Quelques conseils pour éviter les pièges
- Apprendre en contexte: Les polysèmes et les homonymes sont souvent plus faciles à mémoriser lorsqu’ils sont appris dans des phrases ou des situations concrètes.
- Lire et écouter régulièrement: Plus vous êtes exposé à une langue, plus votre cerveau devient capable de distinguer les différents sens d’un mot.
- Demander des explications: Si vous êtes dans le doute, n’hésitez pas à demander à un locuteur natif.
- Rire de ses erreurs: L’humour est un excellent moyen de retenir des leçons.
Conclusion: Il vaut mieux s’amuser que s’énerver face aux polysèmes et homonymes
Pour conclure, saviez-vous que le mot « bouquet » en français ne désigne pas seulement un assemblage de fleurs? Selon la page Wikipédia sur les homonymes, un « bouquet » peut aussi être une crevette ! Voilà une information qui prête à sourire et qui montre à quel point les langues peuvent être riches et surprenantes.
Les polysèmes et les homonymes, bien que complexes, offrent une opportunité unique d’enrichir sa compréhension des langues. Avec un peu de pratique, beaucoup de curiosité et une dose d’humour, vous pourrez surmonter ces défis et peut-être même en tirer du plaisir. Alors, prêt à relever le challenge?
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